Interview du Dr Lucile Couronné, lauréate des appels à projets en 2019 et 2023
Découvrez l’univers fascinant du Dr Lucile Couronné, médecin et biologiste, lauréate à deux reprises des appels à projet de la Fondation Bristol Myers Squibb. Elle partage avec nous son parcours professionnel et sa passion pour l’immuno-oncologie. Elle nous explique également comment elle a découvert la Fondation, ce qui l’a motivée à participer à nos appels à projets et ce qu’elle a apprécié. Aussi, elle détaille ses deux projets de recherche lauréats et leurs avancées scientifiques depuis leur financement. Enfin, explorez les perspectives du Dr Couronné ainsi que ses conseils aux futurs lauréats !
Dr Lucile Couronné : présentation et appels à projets de la Fondation BMS
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Je suis médecin de formation, biologiste en cytogénétique à l’hôpital Necker. A côté de mon activité hospitalière, j’ai une activité de recherche assez importante à l’Institut Imagine.
Concernant mon parcours, j’ai réalisé un master 2, une thèse de sciences et un post-doctorat d’un an aux États-Unis et un autre post-doctorat de 4 ans en France. Actuellement, je suis MCU-PH (Maître de Conférence des Universités – Praticien Hospitalier) dans le laboratoire d’Onco-Hématologie de l’hôpital Necker. De plus, je dirige une équipe ATIP-Avenir à l’Institut Imagine.
Comment avez-vous découvert la Fondation Bristol Myers Squibb et qu’est-ce qui vous a motivé à postuler aux appels à projets ?
J’ai connu l’appel à projet de la Fondation grâce à une newsletter sur les appels à projets en cours envoyée par l’Université Paris-Cité. Dans tous les appels à projets listés, il y a toujours celui de la Fondation BMS qui est recensé dans la thématique immuno-oncologie.
Ce qui m’a encouragé à postuler, c’est que c’est ciblé sur l’immuno-oncologie et que c’est vraiment ma thématique d’intérêt ! De plus, en immuno-oncologie, les appels à projets sont compétitifs car ils incluent en particulier les cancers solides qui sont bien plus fréquents que les hémopathies. J’ai ainsi été agréablement surprise de voir que la Fondation BMS ne sélectionnait pas que des projets ciblés sur l’oncologie solide.
Après avoir été lauréate en 2019, cela m’a motivé à postuler une seconde fois ! C’est ainsi que j’ai été à nouveau lauréate en 2023.
Qu’avez-vous particulièrement apprécié pour ces appels à projets de la Fondation Bristol Myers Squibb ?
Tout d’abord, les financements sont assez conséquents, entre 100 000 € et 200 000 €. Et ils sont d’une durée de 2 ans, ce qui est avantageux.
Ce que j’apprécie aussi, c’est la souplesse dans l’utilisation des fonds. On peut embaucher des personnes, acheter des consommables ou de l’équipement, etc. Au niveau du choix du gestionnaire du financement, on est également très libre.
De plus, les projets lauréats ne concernent pas uniquement les cancers solides ou les cancers très fréquents. Le lymphome NK/T touche 30 cas par an en France mais les applications et les résultats peuvent s’étendre dans d’autres domaines.
Enfin, le format de soumission n’est pas imposé et c’est très agréable. De manière générale, la souplesse est très appréciable à tous les points de vue dans le processus de soumission de projet.
Les 2 projets lauréats du Dr Lucile Couronné : explications et avancées scientifiques
Pouvez-vous nous expliquer vos 2 projets de recherche qui ont remporté les appels à projets ?
Je travaille sur le lymphome NK/T, qui est un lymphome rare et plutôt de mauvais pronostic. Ce lymphome a la particularité d’être associé au virus d’Epstein Barr (EBV). Pour que ces tumeurs et ces lymphomes se développent, il faut qu’il y ait un échappement de la tumeur à la réponse immunitaire de l’hôte.
J’étudie ainsi les mécanismes qui sont associés à l’échappement immunitaire de la tumeur dans ce type de lymphome. Spécifiquement, nous avons identifié un gène candidat qui pourrait être impliqué dans ce type de mécanisme. Un des objectifs était donc d’étudier les conséquences de l’altération de ce gène dans l’échappement immunitaire. Une autre partie du projet consistait en de l’analyse génomique intégrative ayant pour objectif d’identifier d’autres gènes qui pouvaient être associés à l’échappement immunitaire.
Enfin, j’ai développé un axe plus appliqué concernant l’étude des mécanismes d’action de l’immunothérapie. En effet, dans le lymphome NK/T, il y a beaucoup d’immunothérapies qui sont utilisées. Ici, l’objectif est d’améliorer l’efficacité de l’immunothérapie pour aller contrecarrer cet échappement immunitaire et de travailler sur des nouvelles molécules qui pourraient avoir un effet immunomodulateur.
Depuis les appels à projet où vous avez été lauréate, quelles avancées significatives vos projets ont-t-ils connu ?
Le financement du premier projet en 2019 m’a permis de générer beaucoup de données préliminaires. Ces données m’ont permis de candidater à nouveau pour l’appel à projets 4 ans plus tard. De plus, ces données préliminaires ont permis d’identifier un nouvel agent qui pourrait moduler la réponse immune. Cette découverte a donné lieu à un dépôt de brevet en 2022.
Enfin, sur la base des données préliminaires, nous avons réalisé une demande de programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) pour un protocole, c’est-à-dire un essai clinique dans le lymphome NK/T, avec une combinaison de traitements. Nous espérons que ce traitement va améliorer la réponse immune anti-tumorale. Il y a ainsi possiblement une application directe aux patients avec le développement de cet essai clinique.
En effet, nous avons pu récemment publier nos travaux dans « Cancer Research ». Il concernait l’analyse génomique d’une grande cohorte de patients avec lymphome NK/T. Ce n’est pas ciblé uniquement sur la partie immuno-oncologie mais cela en fait partie.
« Le financement de la Fondation Bristol Myers Squibb a largement contribué à faire avancer nos travaux sur la réponse à l’immunothérapie dans le lymphome NK/T. »
Dr Lucile Couronné
Quels sont les résultats ou les réalisations dont vous êtes la plus fière en lien avec ces projets ?
Je suis très heureuse de diriger une équipe ATIP-Avenir depuis 2023. Et c’est grâce à toutes les données générées au préalable et en partie financées par la Fondation BMS par le biais du premier appel à projet. Cette équipe travaille sur le sujet d’échappement immunitaire et l’optimisation de l’immunothérapie dans le lymphome NK/T. C’est une belle réalisation !
De plus, depuis 2016, j’ai une collaboration avec le Japon sur le sujet du lymphome NK/T. Nous travaillons ensemble sur l’aspect de l’échappement immunitaire. C’est d’ailleurs avec ces collaborateurs que nous avons publié l’article dans la revue Cancer Research. Je suis assez fière d’avoir une collaboration enrichissante et pérenne avec une équipe internationale de renom. C’est très appréciable et cela m’apporte beaucoup dans la réalisation de mes projets.
Recherche en immuno-oncologie : perspectives futures et conseils du Dr Lucile Couronné
Envisagez-vous de continuer à contribuer à des projets similaires dans le futur ?
Tout à fait ! J’oriente aujourd’hui toutes mes recherches en immuno-oncologie sur l’aspect de l’échappement immunitaire sur le lymphome NK/T ainsi que d’autres lymphomes. Je vais rester dans ce domaine, c’est certain ! En l’appliquant à d’autres pathologies et en développant également un axe plus translationnel, avec l’évaluation de nouvelles combinaisons thérapeutiques.
Ce qui est important, c’est qu’il y a vraiment des perspectives qui vont au-delà du lymphome NK/T. Tout ce que j’espère identifier comme nouveau traitement, nouvelle combinaison pouvant améliorer la réponse immune, pourrait être appliqué à d’autres pathologies dans lesquelles les immunothérapies sont utilisées notamment certains cancers solides qui sont beaucoup plus fréquents.
Dr Lucile Couronné, quels conseils donneriez-vous aux personnes qui envisagent de postuler à l’Appel à projets de la Fondation ?
Un premier conseil est de ne pas avoir peur de déposer des projets pour des pathologies rares. En effet, la Fondation BMS ne sélectionne pas que des cancers fréquents. Je pense que l’intérêt, c’est de montrer ce qu’on peut en retirer et ce qu’on peut ensuite appliquer à d’autres domaines.
Un deuxième conseil est de ne pas confondre la Fondation BMS avec le laboratoire BMS. En effet, la Fondation est un organisme indépendant, avec un comité scientifique indépendant. Il n’y a pas du tout lieu de chercher une application directe avec un traitement.
Enfin, une dernière suggestion est de ne pas hésiter à postuler à nouveau, on peut candidater plusieurs fois. La preuve, j’ai été lauréate 2 fois !
Pour conclure, je dirais qu’il ne faut pas se brider, à la fois dans la pathologie et à la fois dans le projet. Si on a un projet dans le domaine de l’immuno-oncologie, il ne faut pas hésiter à le soumettre !